Antoinette Mayrand pionnière du don du sang.
Parmi les femmes de Villars au parcours remarquable, on ne manquera pas d’évoquer l’histoire d’Antoinette MAYRAND. Car sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Née le 1er avril 1885 à Roche-la-Molière (quartier de la Côte-Durieu), Antoinette MAYRAND n’a pas connu son père Victor, décédé à 38 ans deux mois avant sa naissance et elle n’a que 13 ans quand sa mère Mathilde (née GOUBIER) s’éteint à son tour le 4 juillet 1898.
Orpheline mais avec l’accord de son tuteur, elle se marie très jeune à l’âge de 15 ans le 24 août 1900 à La Talaudière avec Alfred LAMBLIN. Un mariage qui ne tiendra pas longtemps puisqu’elle divorce deux ans plus tard puis se remarie à 23 ans.
Née mademoiselle MEYRAND elle abandonne le « e » de son nom pour le « a » en devenant madame MAYRAND en 1908 après son second mariage avec Gédéon, mineur de métier, qui est aussi son cousin.
Le couple habite d’abord entre la Boutonne et Bourgeat (quartiers qui font alors partie de Saint-Genest-Lerpt). Gédéon MAYRAND y tient même un petit café (dans l’immeuble actuellement situé à côté du restaurant La Chicholière), mais un jour d’été 1912 une bagarre entre clients tourne mal et Gédéon préfère mettre la clé sous la porte. Le couple change d’air et en 1913 on retrouve sa trace à Lyon.


Quand sonne la mobilisation générale en août 1914, Gédéon rejoint la 13è SCOA (Commis et ouvriers militaires) en charge de l’intendance, avec le grade de sergent. Il y reste jusqu’en octobre 1917 puis est mis en sursis d’appel aux mines de la Porchère à Villars. La France a trop besoin de charbon.
De son côté Antoinette MAYRAND entend bien ne pas rester inactive et souhaite se rendre utile. L’occasion va se présenter au début de l’année 1915 suite à un appel lancé aux bonnes volontés qui seraient d’accord pour donner un peu de leur sang à des soldats blessés, par transfusion de bras à bras.
La technique est nouvelle. Le don du sang, indispensable pour sauver des vies, n’en est alors qu’à ses débuts puisqu’on ne connait pas encore les groupes sanguins. Le 16 octobre 1914 a lieu, à l’hôpital de Biarritz, la première transfusion sanguine directe de la Première Guerre Mondiale.
Elle verse son sang pour la Patrie et sauve un poilu.

À Lyon aussi on utilise cette technique, notamment à l’Hôtel-Dieu dans le service alors dirigé par Léon BÉRARD. C’est d’abord le docteur GELIBERT qui dès le 18 octobre 1914 va donner l’exemple en sauvant le soldat Antoine RAVIOT (qui a été blessé par balle le 25 août à Saulxcure dans les Vosges). Le résultat étant probant un appel est lancé aux volontaires. Ce sont surtout des femmes (les hommes sont au front) qui répondent.
Antoinette MAYRAND fait aussitôt acte de candidature, elle est convoquée pour une visite médicale d’aptitude le 7 octobre 1914 et elle est déclarée bonne pour le service. Mais il lui faudra patienter encore un peu, d’autant qu’elle n’a pas l’autorisation de son mari absent car mobilisé.
Le 11 janvier 1915 on l’invite à signer une décharge totale de la responsabilité de l’hôpital qui se conclut ainsi : « J’accepte toutes les conséquences dans une pure pensée de patriotisme et de dévouement envers nos soldats blessés ». Preuve que l’intervention n’est à cette époque pas anodine. On va finalement faire appel à elle le 30 avril 1915. Le soldat Jean-Baptiste VIAL grièvement blessé le 27 mars lors de l’attaque sur l’Hartmannswillerkopf (Alsace) a été amputé de la jambe droite et après l’opération il a perdu beaucoup de sang. Seule une transfusion peut le sauver.
Antoinette MAYRAND n’hésite pas et va ainsi verser son sang pour la Patrie. Jean-Baptiste VIAL lui en sera toujours reconnaissant et conserva des contacts avec elle longtemps après la guerre.
La transfusion sanguine n’est alors pas anonyme et chaque intervention est ainsi enregistrée. Pour ce geste généreux, elle reçoit en mai 1916, la médaille d’argent de l’administration des Hospices civils de Lyon. Contrairement à ce que colporte encore la rumeur, Antoinette MAYRAND n’a pas été la première femme à donner son sang, mais elle fait en tous les cas indéniablement partie des pionnières dans ce domaine.
Infirmière et première femme élue à la mairie de Villars.
Ce geste va visiblement susciter chez elle une véritable vocation. Dans la foulée, elle fait acte de candidature à l’Hôtel-Dieu à Lyon où elle rentre comme journalière le 24 mai 1915 et fait preuve d’un constant dévouement durant une année entière. Les blessés de guerre affluent et on a besoin de toutes les bonnes volontés. Antoinette suit ensuite une formation pour devenir infirmière.
Une fois la guerre finie, le couple MAYRAND s’installe aux Baraudes à Saint-Genest-Lerpt puis place Gambetta à Villars et enfin de manière définitive rue des Écoles. Gédéon travaille au puits de la Chana, il y restera jusqu’à son décès en février 1941. Antoinette qui est devenue infirmière professionnelle va oeuvrer durant de nombreuses années à la caisse de secours des Houillères de la Loire à Villars. Elle soigne ainsi pratiquement tous les mineurs de la commune jusqu’à ce qu’elle cesse ses activités en 1957.
Femme résolument acquise à la cause ouvrière, elle est aussi la première femme à siéger au sein du conseil municipal de Villars dès septembre 1944 avec le Comité de Libération conduit par Henri FAURE puis en étant élue dans la Municipalité emmenée par François BINET de 1945 à 1947, sous l’étiquette de l’Union des Femmes Françaises.
Selon l’histoire familiale elle est décrite comme une femme « volontaire, avec un fort caractère, souvent facétieuse et qui aimait faire des plaisanteries ». Après le bombardement de Saint-Étienne de mai 1944 elle aurait accueilli à Villars des sinistrés du quartier du Soleil.
Après-guerre, elle siège également au sein du Sou des écoles. Elle est alors surnommée « la Gédéon » en souvenir de son mari dont c’était le prénom. Elle s’éteindra le 2 juillet 1969 regrettée de tous.
Depuis 2018 une plaque commémorative rappelant qui était Antoinette MAYRAND est visible rue des écoles, là où elle a vécu. Au musée Jean Marie SOMET de Villars un panneau lui est consacré.