21 janvier 1942 coup de grisou meurtrier.
C’était l’hiver et c’était la guerre. Le 21 janvier 1942, le puits de la Chana, qui appartenait à la division de Villars, allait tristement rentrer dans l’histoire. À quatre heures du matin, un coup de grisou suivi d’un coup de poussières faisait soixante-cinq victimes, des veuves et des orphelins.
En ce début d’année 1942, on venait de lancer l’exploitation de la 14è couche. Celle-ci était très peu inclinée, mais elle était classée « franchement grisouteuse et poussiéreuse ». Ce quartier comportait une seule taille de 280 mètres de long exploitée par foudroyage. C’est ici que la mort allait faire sa triste besogne, ajoutant au drame de la guerre, l’horreur d’une catastrophe.
La catastrophe au fil des heures.
Vers 3h50, la visite de fond annonce que « tout est normal ». À 4 heures, un coup de grisou enflamme la 14è couche. Une centaine de mineurs sont coincés au fond. À 4h30 le dispositif de sauvetage est en place pour tenter de les délivrer. À 5 heures on remonte par le Puits Couriot les premiers blessés. À 7 heures c’est la désolation sur le carreau de la mine. La nouvelle de la catastrophe s’est répandue comme une traînée de poudre. Des femmes, des enfants crient d’une même voix leur désespoir. L’attente va durer de longues heures et pour certains plusieurs jours. À 17h30 les premiers cadavres sont remontés à la surface, autant de victimes aux visages écarlates et boursouflés.
Une région en deuil.
Vendredi 23 janvier : il aura fallu deux jours pour remonter cinquante cadavres. Il faudra même huit jours pour retrouver les dernières victimes.
20 Français, 14 Polonais, 14 Nord-Africains, 5 Italiens, 3 Yougoslaves et Slovènes, 3 Allemands (d’origine polonaise), 3 Somaliens, 2 Portugais et 1 Arménien ont laissé leur vie au fond de la mine, triste liste à laquelle il convient d’ajouter 35 blessés dont certains gravement meurtris dans leur chair.
Samedi 24 janvier : les mineurs de la Loire firent d’émouvantes funérailles aux victimes du puits de la Chana. Dès 8h30 la population s’amasse pour rendre un dernier hommage aux victimes tombées au champ d’honneur du travail. De nombreuses personnalités y assisteront : le général Campet représentant le maréchal Pétain, M.Belin ministre du travail, M.Lehideux secrétaire d’état à la production industrielle et le cardinal Gerlier, primat des Gaules. Une visite aux blessés à l’hôpital Bellevue fut ensuite organisée.
Dimanche 25 janvier : le lendemain des funérailles officielles, des services funèbres auront lieu dans les églises de Villars, de la Terrasse et de la Fouillouse en présence d’une foule immense. Toute la journée les délégations officielles se succèdent à l’hôpital.
Lundi 26 janvier : à leur tour, les écoles de Villars rendent un hommage appuyé aux victimes de la mine.
La liste des victimes
ABDALLAH Ben Bihi
ABDALLAH Ben Bihi Ben Ahmed, né au Maroc en 1913.
Fils de Bihi Ben Ahmed et de MAMAS Bent Brahim (époux décédés).
Célibataire.
AHMED Ben Hadj
AHMED Ben Hadj Ben El Mouden, né au Maroc en 1913.
Fils de Hadj Ben El Mouden et BEKIA Bent M’Barek.
Célibataire.
AKLI ASBAÏ Mohamed
AKLI ASBAÏ Mohamed, serait né dans la région de Constantine (Algérie) le 5 mars 1913.
Célibataire.
ALI Ben Abdallah
ALI Ben Abdallah Id Sebbar, né au Maroc en 1893.
Célibataire.
ALI Ben Ahmed
ALI Ben Ahmed Ben Lahcene Ben El Hadj Brahim, né à Agadir (Maroc) en 1905.
Fils de Ahmed Ben Lahcène Ben El Hadj Brahim et de Fatima BEN ABDALLAH (époux décédés).
Célibataire.
ALI Salek
ALI Salek, serait né à Djibouti en 1905.
Célibataire.
ATHMAN Ahmad
ATHMAN Ahmad, serait né à Djibouti en 1907.
Fils de Ahmad et de Fatima AMED.
Époux de Jeanne Gilberte MERCIER.
BADRI Amar
BADRI Amar dit Haoussa Ben Aïssa, né en Algérie le 27 février 1912.
Fils de Aïssa Ben Abdellah et de NASRI Lassadjeda Bent Feid.
Célibataire.
BAIGUINI Giovanni
BAIGUINI Giovanni, né à Collio – Brecia (Italie) le 7 juin 1893.
Fils de Daniel (David) et de Maria DALOLA (DABOLA).
Époux de Baptistine (Battistina) DUCOLI.

BARBIER Louis
BARBIER Louis, né à Yssingeaux (Haute-Loire) le 8 février 1909.
Fils d’Auguste Antoine, mort pour la France le 13 décembre 1914 et de Marie Louise COFFY.
Marié à Saint-Étienne le 25 mars 1933 avec Maria Séraphie MITAIL.

BARBOSA José
BARBOSA José (Joseph), né à Braga (Portugal) le 15 décembre 1908.
Fils de Joao (1883 – 1951) et de Rosa FERNANDEZ.
Époux de Rosa Angéla CAVALETTI.


BLASCZYK Joseph
BLASCZYK Joseph, né à Irzadze (Pologne) le 28 novembre 1898.
Célibataire.
BOGHOSSIAN Khoren
BOGHOSSIAN Khoren (Paul), né à Bolu (Turquie) le 10 mars 1919.
Fils de Paronnak et de Sarah BÉAZIKIAN (ou BEZDIKIAN).
Époux de Vanda Véra Maria BENOTTI d’origine italienne.


BOULOGNE Alexis
BOULOGNE Alexis Guillaume, né à Chastreix (Puy-de-Dôme) le 22 mai 1903.
Fils de Joseph et d’Anne ou Marie BRASSIER.
Marié à Saint-Étienne le 11 avril 1928 avec Marielle TALMONT, divorcé le 15 novembre 1939.
BRAHIM Ben Mohamed
BRAHIM Ben Mohamed ou Lahoussine, né au Maroc en 1903.
Fils de Mohamed ou Lahoussine et de AGUIDA Bent M’Barek.

BRZUSTOWSKI Boleslaw
BRZUSTOWSKI Boleslaw, né à Muhlberg (Allemagne) le 29 novembre 1920.
Fils d’Ignace et de Pélagie SZYZEWSKI (ou CIESZEWSKA).
Célibataire.

CELDRAN Jean
CELDRAN Jean, né à Saint-Étienne le 22 décembre 1922.
Fils de Jean et de Josépha ASNAR.
Célibataire.
CHABANNE Ben Morkade
CHABANNE Ben Morkade, né en Algérie en 1903.
Célibataire.

CIEPLY Marcel
CIEPLY Marcel, né à Tommice (Pologne) le 7 mai 1896.
Fils de Michel et de Francisca CIRNIEWSKA.
Époux de Hedwige (ou Edivige) PTASZYNSKA ou STASZYNSKA, frère de Michel.

CYTOWIEZ Michel
CIEPLY Marcel, né à Tommice (Pologne) le 7 mai 1896.
Fils de Michel et de Francisca CIRNIEWSKA.
Époux de Hedwige (ou Edivige) PTASZYNSKA ou STASZYNSKA, frère de Michel.
DAL ZOTTO Giacomo
DAL ZOTTO Giacomo (Jacques), né en Italie le 16 avril 1892.
Fils d’Angelo et d’Antoinette MONDI.
Époux d’Élisa DAL FARRA.

DARDICHON Pierre
DARDICHON Pierre Marie, né à Terrenoire (Loire) le 3 janvier 1906.
Fils de Claudius et d’Antoinette Claudia MOULIN.
Époux de Marie Francesca BRIDOUX.
FANGET Antoine
FANGET Antoine Jean, né à Saint-Étienne le 10 novembre 1895.
Fils de Jean et de Jenny (dite Jeanne) CORNILLON (époux décédés).
Marié à Saint-Étienne le 5 juin 1921 avec Catherine RAT (1897 – 1981).

FORESTIER Pierre
FORESTIER Pierre Michel, né à Saint-Étienne le 2 février 1909.
Fils de Charles (décédé) et de Pauline DIDIER.
Marié à Saint-Priest-en-Jarez le 8 novembre 1930 avec Jeanne Joséphine MOREL.
GATTIANI Virgilio, né à Camugnano (Italie) le 12 mars 1881. Célibataire.
GATTIANI Virgilio, né à Camugnano (Italie) le 12 mars 1881.
Célibataire.
GAUCHER Gabriel
FANGET Antoine Jean, né à Saint-Étienne le 10 novembre 1895.
Fils de Jean et de Jenny (dite Jeanne) CORNILLON (époux décédés).
Marié à Saint-Étienne le 5 juin 1921 avec Catherine RAT (1897 – 1981).

GAUCHER Gabriel
GAUCHER Gabriel, né à Chenereilles (Haute-Loire) le 27 mars 1916.
Fils de Jean-Marie (décédé) et d’Augustine Amélie ROCHE.
GIDROL Louis
GIDROL Louis Joseph (dit Joseph), né à Villars le 10 février 1906.
Fils d’Eugène (1875 – 1933) et d’Anne Marie OLÉRON (1885 – 1918), veuf de Péroline Jeanne PONCET (1897 – 1938).

GIRAUD Salomon
GIRAUD Salomon Auguste, né à Saint-Pierre-Eynac (Haute-Loire) le 5 septembre 1912.
Fils de Joseph Marius mort pour la France le 30 octobre 1914 et de Marie Rosalie Virginie JOUBERT.
Célibataire.
GOMEZ Delphinas
GOMEZ Delphinas (Delphino), né à Jastao (Portugal) le 16 janvier 1900.
Fils de José et de Maria JOAQUINA.

GRANJON Joannès
GRANJON Joannès, né à La Fouillouse (Loire) le 1er mai 1920.
Fils de Pétrus (décédé) et de Louise CLAVIER.
Célibataire.
GRZESKOWIAK Jean
GRZESKOWIAK Jean, né à Oberhausen (Allemagne) le 8 mars 1916.
Fils de Stefan et de Catarina TAZINSKI.
Époux de Véronique CHYLA.

JENDRASZYK Jean
JENDRASZYK Jean, né à Kirchlinde (Allemagne) le 4 novembre 1909.
Célibataire.

JENIC Franc
JENIC Franc, né à Gabrje (Slovénie) le 8 juin 1899.
Fils de Martin (décédé) et de Héléna BRUDEN, veuf d’Ana NOSE.
Époux de Maria KOTAR.

JUSZEZACK Franciszek
JUSZEZACK Franciszek, né à Gostyn (Pologne) le 25 janvier 1912.
Fils de Valentin (décédé avec lui) et de Mary AUGUSTYNIAK.
Époux de Pélagie LULKA.

USZEZACK Valentin
JUSZEZACK Valentin, né en Pologne le 5 février 1886.
Fils de Martin et de Marie MASOKOWIAK (époux décédés).
Époux de Mary AUGUSTYNIAK, père de Franciszek décédé avec lui.

KALKOWSKI Franciszek
KALKOWSKI Franciszek, né en Pologne le 24 janvier 1893.
Fils de Micoldj et de Kataryna TEREFISCA (époux décédés).
Époux de Rosalia (Rosalina) STACZEWSKI.
KONCILYA Lucas
KONCILYA Lucas, né sur le territoire de l’ex-Yougoslavie le 18 octobre 1899.
Célibataire.

LAHOUSSINE Ben Mohamed
LAHOUSSINE Ben Mohamed, né au Maroc en 1907.
Fils de Mouloud Ben Mohamed et de Fatma Bent Mohamed.
Célibataire.
LAHOUSSINE Ben Mouloud
LAHOUSSINE Ben Mouloud, né au Maroc en 1911.
Fils de Mohamed Ben Ahmed.
Célibataire.
LAURENT Claudius
LAURENT Claudius, né à La Tour-de-Salvagny (Rhône) le 6 mars 1888.
Fils de Pierre (1855 – 1906) et de Marie ASTIER.
Célibataire.
LECORNE Eugène Georges
LECORNE Eugène Georges, né à Loos-lès-Lille (Nord) le 27 mars 1891.
Fils de Constant Benjamin et de Léocadie Joseph LAURENT (époux décédés).
Marié à Villars le 8 novembre 1919 avec Benoite PIGNER.

LEHOUSSINE Ben Mouloud
LEHOUSSINE Ben Mouloud Ben Mohamed, né au Maroc en 1886.
Célibataire.

MARCANDELLA Guiseppe
MARCANDELLA Guiseppe (Joseph), né à Polcenigo (Italie) le 19 juin 1911.
Fils de Georgio (1883 – 1934) et de Luigia BOSCO.
Marié à Polcenigo le 20 juillet 1935 avec Luigia MAGRO.

MARCINKOWSKI François
MARCINKOWSKI François, né à Wasosz (Pologne) le 28 janvier 1892.
MOHAMED Ben Ali
MOHAMED Ben Ali Ben Belkeir, né au Maroc en 1898.
Fils de Ali Ben Belkeir et de YAMENA Bent Belkacem.
Célibataire.

MOHAMED Ben Djamaa
MOHAMED Ben Ali Ben Belkeir, né au Maroc en 1898.
Fils de Ali Ben Belkeir et de YAMENA Bent Belkacem.
Célibataire.
NEYME François
NEYME François, né à Villars le 1er novembre 1900.
Fils de Jean Marie et de Fleurie MOURAIRE.
Célibataire.
OLLAGNIER Jean Antoine
OLLAGNIER Jean Antoine, né à Saint-Genis-Terrenoire (Loire) le 8 novembre 1921.
Fils d’Étienne Marius (décédé) et d’Eugénie DEFOURS.
Célibataire.
ORLOWSKI Anton
ORLOWSKI Antoni (Antoine), né à Kon (Pologne) le 14 mai 1903.
Fils d’Antoine et de Rosalie KOPROWSKI (KAPROVSKI).
Époux de Lucia PAWLESKA (PAWLAKA).

POLOZOWSKI Boleslaw
POLOZOWSKI Boleslaw, né en Pologne le 13 avril 1901.
Fils de Franciszek et d’Antonia LAWRYNOWICZ (époux décédés).
Époux d’Iréna JASNIKIEWICZ.ORLOWSKI Antoni (Antoine), né à Kon (Pologne) le 14 mai 1903.
Fils d’Antoine et de Rosalie KOPROWSKI (KAPROVSKI).
Époux de Lucia PAWLESKA (PAWLAKA).

REY Francis
REY Francis, né à Marcenod (Loire) le 30 décembre 1907.
Fils de Jean-Marie et d’Antoinette CARTERON.
Marié à Marcenod le 15 avril 1936 avec Eugénie Antoinette CHAMBLAS.
REYRE Pierre
REYRE Pierre Octave, né à La Fouillouse (Loire) le 11 novembre 1920.
Fils de Claude et de Marie Louise CUSTILLON (décédée).
Célibataire.
ROKNIC Milos
ROKNIC Milos (dit Émile), né sur le territoire de l’ex-Yougoslavie le 10 décembre 1898

ROMIER Laurent
ROMIER Laurent Jean Baptiste, né à Saint-Paul-en-Cornillon (Loire) 10 décembre 1913.
Fils de Laurent (décédé) et de Marie Rosalie TEYSSIER.
Célibataire.
ROUX Jean Baptiste
ROUX Jean Baptiste, né à Saint-Bonnet-le-Château (Loire) le 9 mars 1888.
Fils de Jean-Marie et de Marguerite FAURE (époux décédés).
Marié à Villars le 8 novembre 1924 avec Marie Thérèse PIGEON.
SALEJ Ahmed
SOKOLIK Stefan
SOKOLIK Stefan, né à Pyzdry (Pologne) le 28 juin 1893.
Époux d’Anna DENVOR ou DEWOR.ROUX Jean Baptiste, né à Saint-Bonnet-le-Château (Loire) le 9 mars 1888.
Fils de Jean-Marie et de Marguerite FAURE (époux décédés).
Marié à Villars le 8 novembre 1924 avec Marie Thérèse PIGEON.
SOLEILHAC Léon
SOLEILHAC Léon Ferdinand, né à Villars le 13 novembre 1909.
Fils de Louis Ferdinand et de Catherine Alexandrine SOLEILHAC (époux décédés).
Époux de Françoise Euphrasie MATHEVAT.
SOMMACAL Angelo
SOMMACAL Angelo, né à Limana (Italie) le 29 septembre 1897.
Fils d’Antonio Sommacal et de Maria OROBONI (ou AZABONI).
Époux de Corinna RÉOLON.

STANKOWSKI Jean
STANKOWSKI Jean, né à Dormund (Allemagne) d’origine polonaise le 5 juin 1915.
Fils de Louis ou Ludovic et de Catherine SROCZYNSKA.
Célibataire.

TAYEB Ben Najim
TAYEB Ben Najim Ben Belkeir Ben Mohamed, né au Maroc en 1896.
Fils de Najim Ben Belkeir Ben Mohamed et de Yanema (ou Fatma) Bent Abdallah (époux décédés).
Célibataire.

VEY René
VEY René Jules Antoine, né à Saint-Étienne le 1er avril 1917.
Fils de Maurice et d’Antonia Maria TIQUET.
Célibataire.
WARCHOL Franciszek
WARCHOL Franciszek, né à Piotrkow (Pologne) le 23 mai 1900.
Fils de Franciszek et de Théoféla JANTA.
Enseveli vivant !

Jean-Marie SOMET était au fond lorsque l’explosion a retenti. En 1992 pour le 50è anniversaire de la catastrophe de la Chana, il avait retracé ces sombres heures.
« Il était deux heures trente du matin lorsque notre équipe d’entretien s’apprêtait à descendre. Une équipe pleine de vie et de bonne humeur. Le plus âgé avait seulement 36 ans et le plus jeune tout juste 19 ans. Ce petit matin, comme d’habitude, on causait des faits du jour en allant prendre la cage. En arrivant à la recette, le receveur a vérifié nos lampes comme chaque jour, puis nous avons pris place dans la cage et il a donné le signal de départ.
Serrés les uns contre les autres, nous nous sommes alors tus durant la descente dominée par le grincement de la cage contre ses guides. Arrivés au fonds du puits, chacun de nous s’est acheminé vers son chantier respectif.
Ce jour-là, au lieu de descendre par la taille de la 14ème couche, comme les autres jours, je suis descendu par la 13è couche pour aller chercher des outils. Lorsque j’arrivais en 14è couche, une équipe qui avait déjà approché un moteur à turbine s’apprêtait à manger sa portion. On devait en effet changer le moteur sur un convoyeur.
Il était quatre heures du matin lorsque le drame arriva. Une terrible explosion qui s’est répercutée en chaîne, comme une succession de coups de canons, enflamma les poussières de charbon à une vitesse effrayante.
En quelques secondes les hommes ont flambé comme des torches. Quelques minutes après, on voyait surgir des galeries les premiers survivants. Tous ceux prisonniers du fond n’étaient pas morts puisque dans les heures qui suivirent plus d’une trentaine de mineurs allaient échapper au feu et au gaz toxique.
Je fus enseveli vivant sous un éboulement et atrocement brûlé. Puis ce fut le silence, un silence terrible. J’ai senti un homme passer à côté de moi. J’ai voulu appeler mais aucun son n’est sorti de ma bouche. Comme dans un rêve, de temps en temps, j’entendais tomber des blocs de houille qui se détachaient des parois. Les boisages détruits et les éboulements formaient le spectacle le plus désolant.
Dans la taille tous les hommes étaient morts et horriblement brûlés. Enfin, vers les cinq heures du matin, les sauveteurs m’ont découvert et m’ont dégagé la tête. Puis ils ont découvert un autre mineur vivant à côté d’un cadavre et sont revenus me dégager complètement.
Presque toute l’équipe a été anéantie. Certains furent littéralement torréfiés, leurs corps ne pesaient pas lourd. Un de mes camarades était à mes pieds, un bloc de pierre lui avait écrasé la tête. Plusieurs autres, sérieusement brûlés, devaient décéder quelques jours plus tard à l’hôpital. Vers cinq heures trente on m’a remonté sur un brancard. Puis je fus dirigé sur l’hôpital de Bellevue ».
Jean-Marie SOMET restera près de six mois à l’hôpital avant de retourner au fond de la mine et d’y finir la carrière. Il fut ensuite le fondateur et le conservateur du musée de la mine et du Vieux Villars qui porte aujourd’hui son nom. Il s’est éteint en 2003 à l’âge de 97 ans.
Une enquête contestée.

Catastrophe causée par la flamme d’un briquet pour le version officielle, coupable négligence de la direction pour d’autres : la polémique n’a jamais cessé.
Après la catastrophe de la Chana, une seule certitude a fait l’unanimité : la mine était très grisouteuse. Mais, selon la direction, les mesures de sécurité étaient soigneusement observées. L’enquête diligentée à l’époque s’est efforcée de déterminer la cause de l’inflammation des poussières de charbon. On put rapidement écarter tout acte de malveillance, même si en cette période troublée de l’Histoire, les actes de sabotage contre l’occupant allemand étaient fréquents.
La version officielle affirme que sur le lieu où s’est produite l’explosion et où gisait le cadavre d’un ouvrier, ont été retrouvés une blague à tabac et un chapeau de briquet. Le ventilateur étant temporairement arrêté, la galerie s’est alors chargée en grisou. Une étincelle a suffi à déclencher le drame.
Les conclusions publiées par la Préfecture de la Loire étaient les suivantes : « Il est donc hors de doute qu’une grave imprudence et qu’un ouvrier a tenté d’allumer une cigarette. C’est ce geste fatal qui a allumé une flambée de grisou laquelle s’est par la suite prolongée par le coup de poussières dont on connait les conséquences ». Au printemps 1855, Marie Françoise, l’ainée des filles, s’était mariée à Villars avec Jean Bru, un mineur natif de Dordogne. Deux ans plus tard devait naitre une fille prénommée Rose. Mais l’année 1858 était marquée de nouveaux drames en série. Au mois de mai, Marie Françoise décédait à l’âge de 27 ans. De maladie ou de fausse couche ? On ne le sait pas. Sa petite fille Rose la suivait dans la tombe au mois d’août, elle avait seulement 15 mois. Quant au mari Jean Bru, le destin ne l’épargnera pas non plus, il sera tué par un coup de grisou au puits Beaunier en mai 1863.
La fédération CGT des mineurs de la Loire a pour sa part toujours réfuté cette thèse. Si au moment des faits, le syndicat était clandestin, cela ne l’a pas empêché de lancer un appel à la grève pour assister aux obsèques et de rappeler que « tous les mineurs ayant le souci permanent de leur propre sécurité, aucun d’eux ne se permettrait de fumer au fond de la mine ».
Pour la CGT, cette version de l’accident causé par un briquet ensuite retrouvé sur les lieux de l’explosion « est une contre vérité flagrante et un non-sens ». Le syndicat estime que cette version « apporte une caution d’impunité aux dirigeants des houillères de l’époque pour qui le souci dominant était de faire produire du charbon aux mineurs pour la machine de guerre allemande au mépris de la sécurité des mineurs dont les règles étaient violées ».
Bien des années plus tard, quelques survivants ont évoqué la possibilité qu’un mineur récemment venu de l’Est et qui travaillait auparavant dans une mine de fer où fumer était autorisé, auraient effectivement pu être responsable de cette imprudence qui lui a été fatale.
Simple et triste accident selon les uns, négligence et défaut de sécurité pour les autres : le bilan en vies humaines est resté en tous les cas bien lourd.
Où était situé le puits de la Chana ?
Le secteur du Bois-Monzil a été le premier à révéler la richesse de son sous-sol en charbon dès le 18è siècle. La concession dite de la Chana a été délimitée en 1824. Son périmètre s’étendait sur les communes de Saint-Étienne (Momey et les Parisses), de Villars (Bois-Monzil) et de Saint-Priest (la Doa). Les puits 1 et 2 de la Chana se trouvaient ainsi à Saint-Étienne (actuel terrain de golf où une plaque commémorative signale le site). Les vestiaires des mineurs, les lavabos (qui ont servi de chapelle ardente et où ont été déposés les corps des victimes), la lampisterie et la maison du gouverneur étaient implantés le long de la rue Kléber quant à elle située à Villars. La catastrophe minière de la Chana a ainsi été associée à Villars, même si dans la presse nationale on parlait de Saint-Étienne.
Combien de victimes ?
Le décompte officiel effectué par la Préfecture a recensé très précisément le nombre de victimes et de blessés. 59 corps seront retirés sans vie de la mine, 6 victimes décèderont à l’hôpital dans les heures et jours suivants, soit un total de 65 morts. C’est plus tard qu’ont été publiés (à tort) d’autres chiffres faisant état de 67 voire 68 victimes. Des cas d’homonymies, des inversions entre les noms et les prénoms et une erreur sur la plaque commémorative du cimetière ont contribué à entretenir le doute.
Une solidarité nationale.
Les aides supposément versées aux familles sont restées un sujet longtemps tabou. Un formidable élan de solidarité nationale avait permis à l’époque de collecter une somme très importante (1,2 million de francs en plus d’une aide de l’État) pour venir en aide aux familles. Des secours immédiats et des rentes pour les veuves étaient prévus. On sait aujourd’hui que certaines familles, pourtant dans un grand besoin, n’ont jamais perçu le moindre sou. Précisons qu’en janvier 1942, le département de la Loire se trouvait encore en zone non occupée (dite zone « nono »). Ce ne sera plus le cas après le 11 novembre de la même année lorsque fut soldé le dossier de la catastrophe, les Allemands ayant alors décidé d’occuper toute la France. L’administration de l’époque a-t-elle voulu soustraire à l’occupant cette manne financière qui risquait d’être confisquée ? Qu’est devenu l’argent ? Autant de questions sans réponses.
De la catastrophe minière de la Chana, il n’y a plus aujourd’hui de témoins directs encore de ce monde. Reste le devoir de mémoire au travers des documents et témoignages collectés au fil des décennies grâce notamment au patient travail de Jean Marie Somet.