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Les machinistes de la Chana

En 1913.

La photo colorisée met à l’honneur les machinistes du puits de la Chana en 1913. À quelques mois de la Grande Guerre, ces gueules noires ont encore le sourire. Pourtant leur proche avenir s’annonce bien sombre. Certains d’entre eux ont pu être identifiés, voici leurs histoires.

 

  1. Tenant la perche : Claudius MOURIER. Né le 8 septembre 1897 à Villars (42) il est le fils de Georges MOURIER (cafetier place Gambetta) et de Pierrette POYET. Il a donc tout juste 16 ans sur cette photo. Après un passage sur les bancs de l’école communale de Villars de 1903 à 1911, il travaille dans le commerce familial puis est embauché aux Mines de la Loire. Le 8 janvier 1916 il est appelé sous les drapeaux et rejoint le 36è Régiment d’artillerie à Moulins. Ses compétences musicales lui valent d’être nommé « trompette » le 1er janvier 1917. On ne connait pas sa date d’arrivée au front après sa nécessaire période de formation aux armes. Mais en 1917 et 1918, il passe dans la Somme et plusieurs fois dans le secteur de Verdun. Il est cité à l’ordre du Régiment le 26 septembre 1918 alors que le 36è RA se trouve en première ligne dans l’Aisne : « N’a cessé de jour et de nuit de réparer les lignes téléphoniques constamment coupées par un bombardement ininterrompu. Depuis le début des attaques, a fait preuve d’une bravoure et d’une énergie inlassable pour assurer l’entretien des liaisons avec sa batterie ». Pour cela il sera décoré de la croix de guerre. Il sera démobilisé le 29 septembre 1919. Après guerre il se marie le 26 juin 1920 avec Eugénie FLACHIER, le couple s’installant à Dourdel où Claudius tiendra un café. Il est décédé bien trop jeune le 13 juillet 1938 à Dourdel (Saint-Genest-Lerpt) à l’âge de 41 ans. Il est inhumé au cimetière de Villars.
  2. Jean NEYME est né le 22 février 1896 à Villars, fils de Jean-Marie NEYME (mineur) et de Fleurie MOURAIRE. Il est scolarisé en février 1903 à l’école communale du bourg, mais sans date de sortie ni annotation. Son registre matricule de recrutement fait état qu’il ne sait ni lire ni écrire mais dans le contexte de la guerre peut-être cette évaluation scolaire n’a-t-elle pas été faite. Il travaille donc à la mine au puits de la Chana. Puis il doit répondre à l’appel des drapeaux. Il arrive au corps le 9 avril 1915 au 140è RI, puis passe au 4è génie le 13 septembre 1915. Il est dans la zone des Armées le 28 décembre 1915, et il est versé au 29è Bataillon du Génie (compagnie 29/1) le 29 juillet 1916. Il est cité à l’ordre du Corps d’Armée sur ordre du général le 11 mai 1917 avec attribution de la croix de guerre étoile de vermeil. On ne connait pas les circonstances de ce brillant fait d’armes, l’historique de son Bataillon ayant été détruit. Il est libéré le 15 septembre 1919 et peut enfin rentrer chez lui. Après guerre il est mineur boiseur et domicilié à Saint-Étienne. Il semblerait qu’il fût durant l’entre-deux-guerres un adroit joueur à la Boule de la Chana. Sa famille a été frappé par le malheur. Il perd son jeune frère Jean Claude (alors âgé de 14 ans) le 9 novembre 1918 deux jours avant l’Armistice, probablement de la grippe espagnole. Son autre frère François (né en 1900 à Villars), trouvera quant à lui la mort lors de la catastrophe minière de la Chana en 1942.
  3. Firmin CHARET (nom également orthographié CHARRET) est né le 12 juin 1893 à Villars. Il fait sa scolarité à l’école communale du bourg d’octobre 1899 à juin 1906 et obtient son certificat d’études primaires. Il est décrit comme « bon élève, travailleur et soigneux ». En 1911 il est lampiste aux Mines de la Loire et en 1913 on le retrouve dans l’équipe des machinistes du puits de la Chana. Mais à 20 ans il doit répondre aux obligations du service militaire (probablement peu de temps après la photo). Il est incorporé le 27 novembre 1913 au 30è Bataillon de chasseurs alpins. Il est donc déjà sous les drapeaux quand la guerre contre l’Allemagne éclate. Il subit le baptême du feu le 14 aout 1914 en Alsace puis il combat dans les Vosges. En juillet 1915 son Bataillon participe à la sanglante attaque du Lingekopf (Haut-Rhin). Firmin CHARET est grièvement blessé le 20 juillet lors d’une offensive qui se solde par 34 tués, 10 disparus et 129 blessés dans les rangs de son Bataillon. Évacué sur l’hôpital de Dôle, il décède des suites de ses blessures le 6 aout 1915 à l’âge de 22 ans. Il faudra plus d’un an pour que sa dépouille mortelle, réclamée par sa famille, revienne enfin à Villars. Les funérailles de ce vaillant soldat mort pour la France ont lieu dans le courant de la matinée du lundi 9 aout 1916 suivies de son inhumation au cimetière de Villars. Son nom est inscrit sur le monument aux morts, sur le tableau d’honneur (aujourd’hui au musée) et sur la plaque commémorative à l’entrée de l’église.
  4. Jacques JOUBERT est né le 8 octobre 1893 à Saint-Étienne, fils de Jean Claude JOUBERT (gouverneur aux Mines) et de Rosalie COTINIER, famille domiciliée à Villars rue de la République. Il suit sa scolarité à l’école communale du Bourg d’octobre 1900 à juillet 1906. Il est décrit comme « assez bon élève, très docile » et il se destine à devenir apprenti passementier. C’est pourtant comme machiniste aux mines et au puits de la Chana qu’on le trouve en 1913. Sur la photo il est le conducteur de la locomotive. Lors du conseil de révision de 1913 il est ajourné pour maladie. Il doit ensuite subir une opération pour hernie et éventration (il doit constamment porter un bandage) et il est exempté en 1914 puis de nouveau rappelé suite à la mobilisation générale. Il est alors versé dans le service auxiliaire et affecté au 16è Régiment d’artillerie d’Issoire. Son handicap le maintiendra en arrière de la ligne de front mais il fait son devoir de soldat. En octobre 1916 il est placé en sursis d’appel et détaché aux Mines de la Loire. Après guerre il habitera la maison de la Compagnie aux Fontaines (actuellement bâtiment où se trouve le musée) avant de déménager à Grouchy puis à Côte-Chaude.

À noter qu’un dénommé CIZERON se trouve également sur cette photo, a priori un des deux mineurs derrière le conducteur de la locomotive. Il s’agit de Jean Marie CIZERON (1889-1933) machiniste, conducteur de locomotive électrique. Il était le fils de Denis CIZERON et de Maria CHARRAT. Il termine son service militaire (de 1910 à 1912) effectué au 53è Régiment d’artillerie à Clermont-Ferrand avec le grade de maitre pointeur. Il se marie en juin 1913. Il est ensuite rappelé par la mobilisation générale et arrive au corps le 3 aout 1914. Mais il est réformé en octobre 1914 pour emphysème pulmonaire. Il décède à Villars en 1933 à l’âge de 44 ans.

On s’attardera à observer quelques détails matériels sur cette photo. La locomotive électrique ne manque notamment pas d’intérêt. Il s’agit d’un modèle construit par la société « L’Éclairage électrique » fondée à la fin du 19è siècle et qui possède des ateliers à Lyon. E. LABOUR est l’ingénieur et le directeur technique de l’entreprise. La locomotive fonctionne avec une perche, grâce à laquelle l’alimentation électrique assure la propulsion. On aperçoit à gauche la petite benne (elle est encore en bois avec des cerclages métalliques) chargée de blocs de charbon et le crochet d’attelage tout simple est d’ailleurs ouvert, preuve que la sécurité n’est pas encore à cette époque une règle absolue. Claudius MOURIER porte des sabots aux pieds et sur la locomotive, devant le conducteur Jacques JOUBERT est fixée une gourde, appelée « plate » par les mineurs.

Pendant l'entre-deux-guerres.

Cette photo prise au garage des locomotives électriques de la Chana date a priori de la fin des années 20 et a été colorisée.
Ont été identifiés de gauche à droite :
Le père DEVILLE (dans le garage) – (état civil et parcours inconnus, plusieurs homonymes possibles).
IMBERDIS (famille originaire de Saint-Bonnet-le-Courreau).
Joannès BONNAMOUR (1901-1972), fils de Pierre (conseiller dans la municipalité de Louis SOULIER) et de Louise DANIÈRE, marié à Augusta FARGIER. Machiniste aux Mines de la Loire.
Luigi (Louis) MARCANDELLA (1915-2005), fils de Giorgio et de Luigia BOSCO, frère de Giuseppe (Joseph) décédé lors de la catastrophe de la Chana en 1942.
Assis sur la locomotive électrique : PEYCELON et COEUR (état civil et parcours inconnus plusieurs homonymes possibles).
À droite Martial FARGIER né en 1896 à Prades (Ardèche), beau-frère de BONNAMOUR, machiniste.

Sources : état civil, presse ancienne, registres matricules, archives départementales. Photo collection musée Jean Marie Somet.
©H&P-Pierre THIOLIÈRE

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