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Pierre Gérin tombe dans le puits de la Chana

Pierre Gérin, conseiller municipal et président du sou des écoles chute au fond du puits de la Chana.

Le lundi 23 juin 1890 vers midi et quart, Pierre Gérin, mineur pourtant particulièrement expérimenté, allait trouver la mort au puits Neuf de la Chana (ainsi dénommé par opposition à l’ancien puits). Receveur à la recette, il poussait une benne vide, lorsque suite à une fausse manoeuvre il bascula dans le puits de remontée du charbon, profond de 320 mètres, dont le fond était rempli d’eau. Gravement blessé à la tête et au bras, il ne survécut pas à ses blessures. Ses deux fils, Jacques et Jean, également mineurs à la Chana, immédiatement appelés sur place ne purent que relever sa dépouille mortelle.
L’enquête menée rapidement sur place conclut à une inattention de sa part, Gérin d’une part ayant oublié de mettre la chaine de sureté et d’autre part s’étant avancé imprudemment vers le puits sans regarder où il poussait sa benne.

Une chute de 320 mètres.

Le rapport d’accident précise les faits suivants : « Gérin était tombé d’une hauteur d’environ 320 mètres dans le puisard où l’eau s’élevait en ce moment à une hauteur de 8 mètres. Des ouvriers descendus avec la benne à réparation tentèrent inutilement de le harponner à l’aide de grappins et l’on dut, au bout d’un certain temps, se résigner, l’eau montant toujours, à entreprendre l’épuisement. Le corps de Gérin a pu être retiré vers 9 heures du soir. Il portait à la tête et à l’un des bras de fortes blessures ».

Pierre Gérin, alors âgé de 58 ans, était un Villardaire particulièrement connu. Ancien président du Sou des écoles, républicain convaincu et défenseur de l’école laïque, il était aussi conseiller municipal depuis 1881 et administrateur du bureau de bienfaisance. Il habitait avec ses enfants dans le bourg de Villars, place Gambetta.

Natif des Côtes d’Arey en Isère, c’est son premier métier au chemin de fer qui l’avait amené dans la région et il avait épousé à Villars en 1858 Augustine Pont, la fille d’un maitre maçon venu quant à lui de la Creuse. Au moment de l’accident il était veuf et père de quatre enfants.
Ses funérailles au cimetière de Villars rassemblèrent une foule considérable. Le journal de l’époque évoque la présence d’un millier de personnes. Le maire André Fessy-Moyse, chargé de l’éloge funèbre, retraça les 30 ans de mine du défunt et les risques de ce métier, ayant déjà eu trois fois une jambe brisée. À la sortie du cimetière, une quête très fructueuse a été faite au profit du Sou des écoles.
Lors du terrible coup de grisou du puits Beaunier en octobre 1867 (qui fit 39 victimes), Pierre Gérin fut un des plus intrépides sauveteurs, bravant le danger, risquant mille fois sa vie pour essayer de sauver ses camarades. Sa conduite lui avait alors valu une médaille d’honneur et une lettre de félicitation du ministre.

 

L'éloge funèbre prononcé par le maire André Fessy-Moïse.

« Vous aimiez tous cet homme serviable, d’humeur égale, à qui la douceur de caractère, un visage toujours souriant sous ses cheveux blancs avaient valu le nom auquel nous l’appelions familièrement : « le père Gérin ». Président du Sou des écoles, administrateur du bureau de bienfaisance, conseiller municipal, il était exact et assidu à nos séances, toujours prêt au travail dans les commissions comme dans les délibérations, y apportant son autorité, sa bonne humeur et son bon coeur. Depuis près de 30 ans qu’il vivait à la mine, elle lui avait déjà, dans un premier avertissement, brisé trois fois la jambe. Hier elle l’a pris tout entier. Victime d’un horrible accident il a succombé sur le champ de bataille tombant comme un soldat les armes à la main, frappé à la tête. Quel champ de bataille, citoyens, que la mine ! Comme l’autre, il a produit et produira encore des héros si nombreux dans cette réunion d’ouvriers où germent si bien les idées de solidarité et de fraternité. Nous avons tous présents à la mémoire le terrible coup de grisou de 1867 qui a jeté Villars tant de deuil et a fait verser tant de larmes. Pierre Gérin y fut un des plus intrépides sauveteurs, courant au danger, risquant mille fois sa vie pour essayer de sauver ses camarades. Sa conduite lui valut une médaille d’honneur et une lettre de félicitations du ministre. À défaut d’autre patrimoine, Pierre Gérin laisse à sa famille le nom et le souvenir d’un honnête homme et d’un bon citoyen, à nous celui d’un bon républicain ».

Pierre (en réalité Jean Pierre à l’état civil) Gérin, né le 3 décembre 1831 aux Cotes-d’Arey (Isère), fils de Jean Gérin (propriétaire cultivateur) et de Marie Ogier / Augier. Marié à Villars le 22 aout 1858 avec Augustine Pont (né à Mérinchal, Creuse, décédée en 1878 à Villars). Pierre Gérin est alors employé au chemin de fer et domicilié rue Roannelle à Saint-Étienne. Il sera ensuite houilleur à Villars. En 1881 il est élu au conseil municipal sur la liste conduite par Louis Aubert puis réélu en 1888. En janvier 1882 il est parmi les membres fondateurs du Sou des écoles et en assurera un temps la présidence.

Sources : archives départementales, rapport d’accident, état civil.
©H&P-Pierre THIOLIÈRE

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