Compte rendu de la cérémonie du 20 juillet 1922.
Les fêtes d’inauguration ont revêtu un caractère de solennité exceptionnel, elles étaient présidées par M. Bonnafous, conseiller de Préfecture, délégué par M. le Préfet empêché, Messieurs Chenu et Rauzier, chefs de bureau à la Préfecture, parmi nos invités M. le Colonel Desvimes, MM. Blaise Neyret et Taurines députés, Dupré, maire de Saint-Genest-Lerpt qui nous apporte les fraternelles salutations de ses administrés, M. le Capitaine de Gendarmerie, MM. Dumont, Matout, Metge représentant M. Biver directeur des Mines de la Loire.
S’étaient fait excuser pour cause majeure, MM. Louis Soulié, sénateur maire de Saint-Étienne, Faure maire de La Fouillouse, Thiollier conseiller général, M. l’inspecteur d’académie, Mme l’inspectrice des écoles maternelles, MM. Gillier et Griot. Les combattants de Villars, le conseil municipal et quelques invités. Le banquet servi à midi et demi a été empreint de la plus grande cordialité.
À quatre heures du soir, défilé du cortège pour l’inauguration. En tête marchaient les enfants de toutes les écoles parmi les sociétés, les Petits Fifres de Beaubrun, la société des trompettes l’Étendard, les veuves de guerre et orphelins, suivis des combattants avec leur étendard, la fanfare des mineurs de Villars, M. Bonnafous ayant à ses côtés le Maire, Blaise Neyret et Taurines députés, le colonel Devimes, MM. Chenu et Rauzier, le capitaine de gendarmerie, MM. les adjoints et le conseil municipal suivi de toute la population de Villars à qui nous adressons nos remerciements pour son empressement et sa tenue magnifique en cette circonstance.
À l’arrivée au cimetière après la marche funèbre de Chopin, les enfants des écoles ont chanté les vers superbes de Victor Hugo. Au tombé du voile, le maire nomma la liste des chers disparus au milieu de la plus poignante émotion.

Louis Soulier fit alors la remise du monument aux morts de Villars en ces termes :
« Monsieur le Conseiller de Préfecture, Mesdames, Messieurs, chers amis,
Veuillez excuser mon émotion devant une manifestation aussi grandiose du souvenir et de la reconnaissance envers nos chers compatriotes morts pour leur pays. Le conseil municipal que j’ai l’honneur de représenter, le comité ainsi que le groupe des vaillants poilus de Villars vous remercient tous du fond du cœur.
Je vais, Mesdames, Messieurs, appeler dans ce lieu de circonstance au milieu de leurs ancêtres dont les mânes doivent tressaillir les noms de ceux qui doivent rester immortels dans notre cher Villars.
Les morts que vous venez d’entendre nommer sont des héros, victimes de leur devoir, victimes de la plus grande calamité que le monde n’a jamais enregistrée, victime de l’orgueil d’un pays voisin assoiffé d’ambition. Ils ont défendu le sol sacré de notre cher pays, pays de courage, pays de persévérance, du travail et de l’honneur. Votre présence innombrable dans cette nécropole où dorment de leur dernier sommeil nos chers compatriotes où viendront encore les rejoindre leurs camarades encore inhumés à leur poste de combat et d’honneur.
Hélas tous ne viendront pas et j’éprouve un serrement de cœur à la pensée que de braves pères, mères, épouses et petiots ne savent même pas ce qu’est devenu celui que toute la maison pleure encore.
Braves gens de Villars, peuple travailleur par excellence, vous avez fait dans votre petite patrie les honneurs bien dus à vos chers enfants. Sous ce monument artistique qui démontre combien ont souffert et combien vaillamment ont défendu leur pays les héros morts et rescapés de la grande tuerie mondiale, œuvre des boches disons le bien haut.
Vous vous souviendrez chers amis que leurs corps reposent dans cette crypte, corps sacrés qui ont droit à la vénération éternelle de vous tous.
Oui à l’appel du président de notre chère Patrie tous sont partis le cœur plein d’espoir, faisant abstraction de toute idée personnelle de politique n’écoutant que leur cœur de Français pour jeter dehors de notre pays l’envahisseur.
Ils étaient fiers alors de leur devoir, de leur tâche sacrée tout en maudissant non pas la guerre en ce moment mais le boche qui nous obligeait à quitter nos familles. Beaucoup de nos chers compatriotes sont revenus dans le logis familial plus ou moins amochés ou gazés pour employer le terme du poilu, désignation sublime, créée par les martyrs des tranchées eux-mêmes.
Ils sont ici à leur poste d’honneur, comme à la Marne, à Vaux, à Douaumont, aux Éparges, à l’Izer, au Chemin des Dames et partout ailleurs où le devoir et le sacrifice continuel les appelaient. Ils sont là à côté des leurs qu’ils n’ont pas eu le bonheur de revoir ce foyer qu’ils étaient allés défendre si courageusement.
Mesdames, Messieurs. Le nombre imposant de nos chères victimes démontre que notre cher Villars, si travailleur, si utile cependant durant les jours sombres, où les vieillards, les mamans et les petits passaient en grelottant les longues nuits d’hiver : Villars dis-je n’a pas été un pays d’embusqués, tous ici ont fait leur devoir ; si quelques-uns sont revenus du front ça été ne l’oubliez pas pour descendre le lendemain à 500 mètres de profondeur reprendre le dur labeur de la mine tous les jours et dimanches sans répit.
J’ai l’honneur et le devoir Mesdames, Messieurs de dire bien haut « Villars a mérité de son pays ».
Je vais laisser à une voix plus autorisée que la mienne la charge de glorifier ces chères victimes ; Mais qu’il me soit permis au nom du conseil municipal de remercier ici tous les généreux donateurs qui ont participé à a création de cette belle œuvre.
Vous avez voulu, en dehors des héros qui reposent dans la sépulture familiale et ils sont hélas trop nombreux, vous avez conçu dirais-je l’idée pieuse de réunir les restes de leurs collègues non moins admirables dans le mausolée que nous inaugurons aujourd’hui.
Habitants de Villars que j’ai l’honneur de représenter, jeunes gens, jeunes fillettes et au nom du Conseil municipal de Villars, de la commission de ce monument, des associations des Combattants de Villars ici présents.
J’ai l’honneur de remettre entre vos mains et à votre piété ce mausolée contenant les corps de ceux que vous avez tant aimé. Ce monument sur lequel sont gravés en lettres d’or les noms représentant les héros de chaque famille de Villars, vous le conserverez, vous l’entretiendrez et précieusement vous transmettrez à votre tour, de père en fils, ce dépôt sacré aux générations qui nous suivront et que chacun de vous, grands et petits, se recueille lorsque vous l’approchez.
Souvenez-vous de leur sacrifice. Ils sont beaux ces vers du poète : « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie ».
Je termine en adressant nos condoléances émues à toutes les familles, aux veuves, aux papas, mamans et à ces chers petits dont la présence ici attire nos larmes nous leur adressons toute notre sympathie. Je ne dirai pas le non-sens « Guerre à la guerre », mais « Mort à la Guerre » quelle qu’elle soit.
Gloire aux héros de notre cher Villars. Vive la France. »
Aucun autre discours n’étant toléré au cimetière de suite après M. Bonnafous délégué de M. le Préfet retrace d’une façon émouvante le mérite du sacrifice du soldat français après avoir relaté les diverses phases de la guerre il s’inclina profondément devant la crypte qui contient déjà les restes glorieux de beaucoup et nous présente la sympathie du gouvernement de la République. Il apporte des paroles de consolations à tous, mais il nous recommande aussi la fraternité, l’accord entre tous.
Après l’exécution de la Marseillaise par la fanfare de Villars la foule se retire très lentement de la nécropole le cœur ému en emportant de cette cérémonie le souvenir triste mais glorieux de tous nos disparus.