Comme dans beaucoup de communes, le premier cimetière de Villars était situé aux abords de l’ancienne église devenue aujourd’hui salle du conseil municipal. On en retrouve la trace sur le cadastre napoléonien. Ce cimetière était situé en bordure de l’actuelle rue de l’Arsenal, en face de la salle omnisports.
Rappelons qu’en 1851, la commune comptait 877 habitants et trois fois plus 40 ans plus tard. Le développement de l’activité minière et de la passementerie ont contribué à cet essor démographique. À l’inverse, le nombre des armuriers (métier jusque-là majoritaire à Villars) allait progressivement décroître.
Dans sa séance du 11 novembre 1867, le conseil municipal (municipalité André FESSY) évoquait pour la première fois la nécessité de déménager et d’agrandir le cimetière. D’une part parce que l’église venait d’être reconstruite un peu plus loin (là où on la connait actuellement), d’autre part parce que le cimetière se trouvait sous-dimensionné.
Catastrophe minière et manque de place.
La catastrophe minière que connut la commune le 11 octobre 1867 au puits Beaunier (39 morts après un coup de grisou meurtrier) augmenta d’un coup les besoins en sépultures. « En présence des cadavres des nombreuses victimes c’est à peine si nous avons pu pourvoir aux pressentes nécessités du moment et leur trouver une place dans notre cimetière. Une telle situation est trop pénible et nous ne pouvons retarder plus longtemps l’établissement d’un nouveau cimetière » commentait à l’époque le maire André FESSY.
C’est à flanc de colline, sur le chemin en direction de Rochefoy (où se trouvait notamment une carrière de pierres), que la Municipalité choisit l’implantation du nouveau cimetière après acquisition du terrain auprès des Hospices de Saint-Étienne. Mais les ressources de la commune étant insuffisantes pour cet aménagement, il fut décidé d’un impôt supplémentaire qui prit le relais de celui déjà voté pour la construction de l’église. Un fond de secours de 2000 francs attribué par le Préfet permis de débuter les travaux.

Une croix en son centre.
Fin octobre 1868, le nouveau cimetière d’une surface de 40 ares (correspondant à la partie haute, au dessus du monument aux morts et autour de la croix) était enfin prêt.
L’accès au cimetière se faisait par l’allée centrale actuelle qui était alors plantée d’arbres. La porte d’entrée faisait face à l’emplacement du monument aux morts à droite avec une allée centrale qui remontait et ressortait de l’autre coté (accès aujourd’hui muré).
Au centre se trouvait une croix (elle y est encore) avec une placette circulaire autour d’elle.
Le cimetière se décomposait en quatre carrés. L’ensemble était bordé d’arbres, il reste encore aujourd’hui la trace de deux troncs vers le carré des mineurs de la Chana.
La croix centrale est en fer forgé, couronnant un élégant fût de pierre. Elle est même répertoriée parmi les croix foréziennes les plus remarquables. La date de sa réalisation n’est pas précisée, mais d’après les spécialistes, elle daterait de la Restauration (1815-1830).
Elle portait sur ses branches, du moins à l’origine, quelques symboles particulièrement caractéristiques : un coq, un soleil et un croissant de lune comme on le voit sur le dessin de Louis Bernard extrait du livre Les croix monumentales du Forez. Il ne reste aujourd’hui que le coq.
On trouve sa trace en 1868 sur le plan concernant l’aménagement du nouveau cimetière. On peut logiquement supposer que cette croix se situait auparavant dans l’ancien cimetière situé quartier de l’Arsenal.

En 1869 était officialisé le don d’une concession à perpétuité aux soeurs de la communauté de Saint-Joseph. Leur sépulture s’y trouve encore. Ces religieuses habitaient dans un petit couvent à l’Arsenal qui fut mis à sac lors de la Révolution de 1848. Avant la construction de la nouvelle église, plusieurs religieuses et curés de la paroisse ont été inhumés directement sous la dalle de l’église, devenue aujourd’hui salle du conseil municipal.
Le prix des concessions du nouveau cimetière était fixé aux tarifs suivants : 30 francs le mètre carré pour une concession perpétuelle, 15 francs le mètre carré pour une concession trentenaire et 10 francs le mètre carré pour une concession temporaire de moins de 15 ans.
Un carré réservé aux protestants.
Tout un carré du nouveau cimetière était alors réservé pour les Villardaires de confession protestante. Il faut en effet savoir que depuis la révolution industrielle et l’extension de l’exploitation minière, une nombreuse main d’oeuvre venait de la Haute-Loire et de la Haute-Ardèche pour travailler à la mine. Et notamment du plateau cévenol (Tence, le Mazet, Le Chambon) où se pratiquait la foi protestante.
L'ancien cimetière revendu.
En 1877, en lieu et place de l’ancien cimetière, fut d’abord projeté de construire une salle d’asile mais qui finalement trouvera place ailleurs (actuelle salle de la Libération). Le maire, Auguste GUITTON, ayant reçu des propositions d’achat, il fut décidé de vendre cette parcelle aux enchères (400 francs), à la charge par l’acquéreur de transporter à ses frais les ossements dans le nouveau cimetière ainsi que les croix et pierres tombales qui ne seraient pas réclamées.
En 1899 la Municipalité approuvait l’agrandissement du cimetière « complet dans son entier » et qui allait doubler de surface vers le bas. La population avait en effet encore fortement augmenté pour approcher les 2700 habitants. Le cimetière a ensuite été agrandi par deux fois. On aperçoit nettement les séparations de ces différents agrandissements.
Précisons pour finir qu’il fallut attendre 1936 (municipalité de Louis SOULIER) pour que soit créée la route reliant en ligne droite le Bourg au cimetière. En effet l’accès se faisait jusque-là « par un chemin étroit, tortueux et à pentes irrégulières en même temps que dangereuses ».
Une bagarre et un infanticide.

Ce cimetière a aussi connu ses propres faits divers. On en citera deux.
Le 8 août 1905, un éboulement avait fait trois morts au puits Beaunier. Cette catastrophe plongea dans le deuil la population ouvrière. Mais cette triste histoire ne s’arrêta pas là. Les funérailles eurent lieu pendant la vogue de Villars, le jeudi 10 août. Les manèges et tous les forains avaient fermé leurs stands en signe de deuil.
Au moment où des discours étaient prononcés lors des funérailles, un des orateurs eut la maladresse de taper vivement du poing sur le cercueil. Un de ses adversaires lui reprocha de ne pas respecter les morts. Ce qui provoqua une bagarre en plein cimetière qui prit rapidement de grandes proportions causant de nombreux blessés. Et le pugilat se prolongea même dans un café de l’Arsenal et nécessita l’intervention de la police. Un piteux épilogue d’une catastrophe minière.

Et puis le 5 mars 1911, le cantonnier de la commune trouva ici au pied d’une tombe les corps abandonnés de deux bébés. L’analyse médicale détermina qu’il s’agissait d’un garçon et d’une fille, âgés d’environ 6 mois, un corps portant des traces de coups ayant entrainé la mort, probablement par strangulation. On avança l’hypothèse de jumeaux abandonnés par une famille de passage qui ne pouvait assurer leur subsistance. Cet infanticide ne sera jamais élucidé.

Polémique sur le monument aux morts.
En juillet 1922, le cimetière accueillait en son centre le monument aux morts et la crypte en mémoire des soldats de la Grande Guerre. L’implantation à cet endroit de cet édifice commémoratif rendant hommage aux combattant morts pour la France fut à l’époque l’objet d’une vive polémique municipale.
En effet il était au départ prévu et convenu que le monument aux morts soit érigé de manière visible pour tous dans le centre bourg. Soit devant l’église, soit dans le jardin du château des Mines (aujourd’hui la mairie), soit place de l’Arsenal. Pour de multiples raisons (bonnes ou mauvaises) ce ne fut finalement pas le cas. Et la construction d’une crypte sous le monument, pour accueillir les corps des soldats de la commune, morts pour la France, a finalement justifié cette implantation au cimetière.
Poilus mais aussi mineurs.

Cette crypte, construite sous le monument aux morts, a au fil des décennies été oubliée. On n’utilisait plus que le dépositoire adjacent pour recevoir les corps des défunts en attente d’inhumation.
Il a fallu attendre octobre 2008 (dans le cadre des 90 ans de la fin de la Grande-Guerre) pour qu’elle soit rouverte et que soit établi un état de son contenu, plus aucun document n’ayant été retrouvé.
La crypte contenait alors 12 corps (11 soldats de 14-18 dont 5 corps identifiés et 1 corps de résistant 1945 identifié). Sur les 5 corps non identifiés, après des recherches très approfondies, on a aujourd’hui de très fortes présomptions sur leur identité. Depuis deux nouveaux corps de soldats morts pour la France (et dont les sépultures dans le cimetière étaient à l’état d’abandon) ont rejoint la crypte.
Autre particularité du cimetière, liée également à un drame humain, se trouve dans la partie haute un carré qui avait été réservé aux victimes de la catastrophe de la Chana en janvier 1942.
Au fil des exhumations et des regroupements familiaux, cet espace s’est réduit avec aujourd’hui un regroupement des dernières dépouilles et un espace souvenir. Hélas le relevé des noms qui s’y trouvent gravés dans le marbre comporte des doublons et des erreurs. On peut retrouver au musée Jean Marie Somet de Villars un état précis de ce terrible coup de grisou qui fit 65 victimes à la Chana.
Des personnalités locales.
Le cimetière contient aussi son lot de personnalités locales. Quinze anciens maires de la commune sont inhumés ici, dont cinq décédés en fonction. Certains ont particulièrement marqué la commune.

On trouve notamment tout en haut et à gauche de l’ancien cimetière la tombe de la famille GUITTON. Il y a celle des frères AUBERT, tous les deux maires et portant le même prénom : Louis. Celle de Antoine FONTVIEILLE qui a participé à l’expédition au Mexique sous le Second Empire. Celles aussi et dans l’ordre chronologique d’Antoine POYET, d’Antoine PENOT, d’Antoine GRATALOUP, de Jean Baptiste PARET, de Joseph DOMET, de Louis SOULIER, de Pierre BARRAILLER, de Louis BERNICHON, de Fernand BOST et d’Hubert POUQUET ce dernier détenant le record du plus long mandat en tant que maire (30 ans).
Deux anciens députés (famille NEYRET) sont aussi inhumés ici.
On y trouve aussi la tombe aujourd’hui effacée par l’usure du temps d’Antoine BERAUD, décédé le 18 janvier 1917 et bienfaiteur de la commune. Grâce à lui des horloges ont été placées dans le clocher et l’éclairage des rues a été renforcé.
On trouve aussi la tombe de la famille OBHOLTZ, qui a également fait un legs important à la commune permettant l’achat de l’ancien château des mines (aujourd’hui mairie) et de son parc où ont été construits des bains douches en 1936.
Dans ces deux cas, la commune s’était engagée à fleurir la tombe de ces généreux donateurs pendant un siècle. Une promesse oubliée au fil des décennies.
Sources : Archives départementales, presse ancienne, délibérations du conseil municipal. ©H&P-Pierre THIOLIÈRE
