Une ligne de tram à Villars
Une pétition pour la création d'une ligne de tram jusqu'à Villars.
La commune de Villars a longtemps espéré être desservie par ce moyen de transport, jusqu’à lancer une pétition adressée au Préfet en lui proposant d’utiliser comme main d’oeuvre les prisonniers allemands. C’était en plein coeur de la Grande Guerre. Le projet ne verra jamais le jour.
La venue du tramway jusqu’au centre de Villars a longtemps été un projet que plusieurs maires successifs de la commune ont bien espéré voir aboutir. Au début du 20è siècle, Villars était encore une commune enclavée, en marge des axes de circulation et globalement mal desservie. Joindre la Terrasse à la place Gambetta en tram n’avait en effet rien d’irréalisable. Une ligne en direction de La Fouillouse faisait bien un arrêt à Ratarieux. Mais trop loin du bourg.
À une époque où on se déplaçait essentiellement à pied, un service de voitures à cheval assurait aussi régulièrement la desserte de la grande ville. La commune comptait ainsi plusieurs voituriers qui se chargeaient à la demande de ces petits déplacements. Mais pour les élus locaux, l’avantage du tramway était incontestable. Cinq maires auront successivement traité et relancé ce dossier de 1903 à 1921. En vain.
Antoine Grataloup (maire de 1899 à 1904) fut le premier à monter au créneau, arguant du fait de l’installation du nouvel hippodrome qui drainait le jour des courses une affluence considérable. Le tramway étant alors un moyen de transport essentiellement populaire, les notables de la région (qui eux se déplaçaient en voiture particulière) ne furent pas sensibles à cet argument.
Jean Baptiste Paret (maire de 1904 à 1914) relança à son tour le dossier sans plus de succès, malgré le soutien cette fois du Conseil général. En 1911, la Compagnie ne trouvait pas le projet suffisamment rentable.
Étienne Reynaud (maire de 1914 à 1918), confronté aux problèmes des réfugiés et des restrictions alimentaires durant la Grande-Guerre se montra encore plus insistant sur ce dossier. À l’automne 1916, la municipalité villardaire relançait en effet le Préfet en mettant en avant d’une part un afflux de population, d’autre part les nombreux déplacements des Villardaires vers Saint-Étienne pour travailler notamment à la Manufacture d’armes (MAS) et enfin et surtout l’opportunité de bénéficier de la main d’oeuvre des prisonniers de guerre. Et les élus locaux y ajoutaient même une demande concernant l’aménagement d’une vraie route entre le Grand-Charlieu et le Quartier-Gaillard.
Une pétition commune de Villars et de L'Étrat.
En mars 1917, «Vdevant l’immobilisme de ses interlocuteurs », le maire de Villars prenait contact avec son homologue de L’Étrat, également intéressé par ce service, et les deux municipalités lançaient conjointement une pétition adressée à la Préfecture en développant les arguments suivants :
« Nous, habitants de Villars et de L’Étrat venons solliciter instamment de votre bienveillance un avis favorable à l’établissement d’un tramway pour desservir nos deux communes. La construction de ce tramway, après des demandes réitérées avait été décidée avant la guerre. Elle est restée en suspens et la population très nombreuse souffre énormément du manque total de communications. La vie économique de ces deux communes s’en ressent péniblement et son développement en est paralysé. Beaucoup de terrains sur le parcours de la route sont favorables à des constructions bon marché et les familles nombreuses pourraient y trouver la facilité de s’y faire construire des habitations commodes et hygiéniques.De nombreux ouvriers travaillant à Saint-Étienne pour la défense nationale sont obligés de faire à pied la longue distance qui les sépare du tramway de la Terrasse et subissent aussi un surcroit de fatigue évidemment défavorable à leur travail.
L’établissement de ce tramway pourrait actuellement se faire rapidement et à de bonnes conditions en utilisant la main d’oeuvre des prisonniers de guerre Il est surprenant de voir deux communes aussi populeuses rester ainsi étrangères à la sollicitude des pouvoirs compétents alors que tous les environs de Saint-Étienne sont bien desservis ».
Le maire Étienne Reynaud « Prie monsieur le Préfet de bien vouloir intervenir auprès de la Compagnie des tramways électriques de Saint-Étienne pour la réalisation de la ligne de tramway de Villars à la Terrasse » et d’y ajouter un argument que les élus locaux espèrent décisifs : « en employant la main d’oeuvre économique des prisonniers de guerre, afin que ladite ligne puisse être mise en exploitation après la guerre et même avant si cela est faisable ». Et pour le maire de Villars, il y avait urgence : « Cette ligne étant promise et votée depuis longtemps par le Conseil général de la Loire, à la suite de nombreuses délibérations prises par le conseil municipal de Villars, rendrait de grands services à la population ouvrière de la localité dont le trafic est très dense entre la commune et Saint-Étienne, il y a donc lieu d’en hâter l’exécution qui est de toute utilité publique ».
Mais en cette période de guerre, les priorités sont ailleurs. En 1919, la commune remonte au créneau. Jean Domet (maire de 1918 à 1921) puis après lui Louis Soulier devaient défendre encore un projet qui ne verra jamais le jour. La ligne de train déjà existante et qui desservait la petite gare de Villars était jugée trop concurrentielle puis l’avènement de l’autocar a définitivement eu raison du projet tramway.
Sources : délibérations du conseil municipal
©H&P-Pierre THIOLIÈRE