Il faut remonter à 1891 pour trouver trace de l’adoption et de la mise en place par le Conseil municipal de noms de rues à Villars. Jusque là, pour localiser la domiciliation des habitants, on citait les hameaux (le Bois-Monzil, le Pêcher, Michard, Curnieu, Bourgeat, Merley ou le Bourg) et la maison de résidence.
C’est sous le mandat de Charles François André (dit André) FESSY-MOYSE (maire de Villars de 1888 à 1893) que fut prise cette initiative. La population était en effet en augmentation régulière. On dénombrait précisément 2 512 habitants suite au recensement de 1891 effectué par le secrétaire de mairie et les instituteurs et dont le coût (y compris les frais d’imprimés) s’était élevé à 300 francs.
André FESSY-MOYSE était le fils de Jean-André FESSY (1798-1881), propriétaire domicilié au château de Michard, lui-même déjà maire de Villars de 1855 à 1870. André (1847 – 1897) compléta son nom en FESSY-MOYSE après son mariage avec Marie MOYSE en 1874. Il exerçait la profession de notaire puis d’avocat. Engagé en politique, radical socialiste, on sait de lui qu’il était un républicain actif et convaincu. La famille FESSY était originaire de Saint-Galmier.

Le maire paye de ses propres deniers.
Cette décision de donner des noms aux rues, comme dans les grandes villes, a été prise « suite à l’accroissement des immeubles bâtis dans la commune » lors de la séance du conseil municipal du 13 mai 1891.
Décision qui pourrait paraître surprenante aujourd’hui, pour ne pas grever le budget, le maire a alors déclaré « prendre à sa charge personnelle et faire don à la commune des plaques indicatives des noms des rues et places ». Précisons de plus qu’à l’époque le maire ne percevait pas d’indemnité de fonction, celle-ci ayant été votée pour le maire de Villars à partir de mai 1914. Les 39 plaques alors nécessaires ont été commandées à Paris par FESSY-MOYSE et donc payées de sa poche.
Cette première délibération porta sur les secteurs suivants : la place du Bois-Monzil, la rue de Michard, la rue du Breuil, la rue de la République, la place Gambetta (autrefois place de l’église), la rue de la mairie (aujourd’hui rue de l’hôtel-de-ville), la rue Carnot, la rue Danton (qui s’arrêtait devant la première mairie), la place Victor Hugo (aujourd’hui disparue, située devant la première mairie de Villars), la rue de Bourgeat, la rue de Curnieu, la rue de la gare, la rue Paul Bert, la rue Voltaire et la rue Thiers (à l’époque tout nouveau chemin aménagé entre le Breuil et le Bois-Monzil).
Il ne reste pratiquement plus de plaques anciennes. Elles sont remplacées par des nouvelles avec une charte graphique commune (liseré bleu et blason de la commune).
La population locale réclame de nouvelles plaques.
La mesure fut bien accueillie par la population, suscitant même quelques réclamations supplémentaires. « Pour être agréable aux habitants », le maire fit alors don en août 1891, comme pour les autres, de six nouvelles plaques. Ce qui permis de compléter la désignation avec la rue Mirabeau, la place de l’Arsenal (qui précise au passage qu’ici se trouvait un ancien arsenal), le chemin de la gare (on ne sait hélas le situer aujourd’hui, le texte précise de la propriété Poméon à la gare), l’avenue Hoche (auparavant rue du petit chemin de fer qui allait de la fendue – actuel centre social – au dépôt des Mines situé au Breuil), la rue Marceau (aujourd’hui disparue entre la place Victor Hugo et la place de l’Arsenal) et enfin la rue Kléber.
Enfin une nouvelle délibération du 16 avril 1892 permit de créer le chemin des Sagnes, la rue Robespierre et pour finir la rue Alsace Lorraine devant la propriété du maire à Michard. Un choix qui ne devait rien au hasard pour évoquer les provinces perdues après la guerre de 70 contre la Prusse.

De quand datent les numéros des maisons et les boites aux lettres ?
On aurait pu croire que cette numérotation s’était faite en même temps que l’attribution des noms. Donc à la fin du XIXè siècle.
En fait cette numérotation des maisons est beaucoup plus récente puisqu’elle date de 1957. Jusqu’alors, seule la rue de la République bénéficiait de cette numérotation des habitations (on ne sait pas depuis quelle date précise). Probablement parce que c’était le seul secteur de la commune où les bâtiments étaient déjà tous contigus, ne laissant pas de place possible à de nouvelles constructions.
Toujours est-il que c’est en novembre 1957 que la Municipalité alors conduite par le maire Georges GILLIER informe la population de cette décision qui a un double objectif. Il s’agit d’une part de faciliter la distribution du courrier. En plus du numéro sur la maison, il faut également installer des boites aux lettres avec indication des noms des résidents.
Le stationnement change tous les jours.
La numérotation permet également la mise en place d’un arrêté réglementant la circulation dans la commune. En effet les automobiles étant de plus en plus nombreuses, il importe désormais de réguler un stationnement parfois anarchique et qui sera désormais possible côté pair les jours pairs et côté impair les jours impairs.
Impossible donc pour une voiture de rester deux jours de suite au même endroit ! Sauf quand le 1er du mois suivait le 31 du mois précédent. Il fallait donc tenir son calendrier à jour !
Cette numérotation désormais obligatoire va s’appliquer, en plus de la rue de la République, à la place Gambetta, la rue du Breuil, Michard, la place du Bois-Monzil, l’Arsenal et la rue de Curnieu.
Où était la place Victor Hugo ?
C’est en 1891 que ce nom a été donné à cet espace aujourd’hui disparu qui était situé rue Danton, derrière l’actuelle mairie.
Même si l’appellation n’était a priori pas très usitée, cette place Victor-Hugo a eu une réalité physique jusqu’au début des années 1980.
Il faut imaginer que les bâtiments actuels (logements de Cité Nouvelle essentiellement) n’existaient bien évidemment pas à l’époque. La rue était à cet endroit plus large, avec tout un espace arboré.
La photo ci-dessous (non datée et de médiocre qualité) permet néanmoins de se faire une petite idée de cette place Victor-Hugo. Les photos aériennes de la commune des années 60 et 70 montrent bien l’espace occupé par cette place en longueur avec une quinzaine d’arbres plantés.
Le curé et l'instituteur habitaient ici.
Au recensement de 1901 habitaient à cette adresse le curé Jean Grivolat (63 ans) avec ses deux soeurs Benoîte et Maria Grivolat ainsi que le vicaire Jean Juliat (39 ans). Leurs voisins étaient l’instituteur Claudius Gontard (32 ans) avec son épouse Marie et sa fille Alice. On trouvait ensuite quatre familles de mineurs : Régis Dufour (50 ans), son épouse et son fils (également mineur) ; la veuve Guironnet (56 ans) et ses trois enfants ; Antoine Hospital (45 ans) et son épouse ; François Bijeard (38 ans, chauffeur aux mines) avec son épouse et ses trois enfants. Enfin un petit commerce (vente d’oeufs, beurre, lait, volailles et légumes) se trouvait là, tenu par la veuve Marie Limouzin et son fils Jean-Baptiste (21 ans).
Au recensement de 1906 l’appellation place Victor Hugo n’apparait plus. La rue Danton se prolonge directement par la rue Marceau (portant le nom du général Marceau, héros de l’armée révolutionnaire) puis par la place de l’Arsenal. Et au recensement de 1911, la population est regroupée par quartiers.
On notera au passage que cette place est aussi parfois dénommée « place de l’ancienne mairie ». Ce qui peut perturber les Villardaires d’aujourd’hui. La mairie a en effet connu trois implantations différentes depuis le début du 19è siècle.
La place Victor Hugo a disparu lors de la construction de ces bâtiments dans les années 1980-90.
Les rues disparues.
Outre la place Victor Hugo disparue sous les constructions, la rue Marceau qui allait de la place Victor Hugo à la place de l’Arsenal n’existe plus. Reste l’immeuble du même nom qui rappelle le passé. La rue Danton y a du coup gagné en longueur pour arriver jusqu’à l’Arsenal. Toujours dans le même secteur et beaucoup plus récemment, suite à la construction de la maison de l’enfance, l’allée du cimetière a disparu et a été rebaptisée rue de l’Arsenal.

Où était la rue Jean Jaurès au Bois-Monzil ?
Du côté du Bois-Monzil, la rue Jean Jaurès a été créée en juillet 1919, pour rendre hommage à cet homme politique, pacifiste, assassiné juste avant le début de la Grande Guerre. « Cette rue commencera sur la place du Bois-Monzil sur le chemin actuel qui monte à la Chana » précise la délibération du conseil municipal.
Doit-on comprendre que c’est la partie actuelle de la rue Kléber jusqu’au chemin des Parisses qui enjambe le Riotord ? Et que du coup la rue Kléber précédemment créée en 1891 s’en est trouvée raccourcie ?
Pour l’anecdote cette délibération a été prise à l’unanimité sur proposition de Camille Souveton, surnommé « Jaurès » à Villars. Mais il y a bien longtemps que la rue Jean Jaurès n’est plus évoquée ni au Bois-Monzil, ni à Villars. Sans que l’on sache pourquoi.

Par délibération du 28 janvier 1945, le conseil municipal (comité de Libération) décide que la route de Bourgeat s’appellera rue Pierre Gauthier-Dumont en souvenir d’un grand bienfaiteur de la commune (legs Pierre Gauthier) dont la propriété existe toujours aujourd’hui.
En avril 1947 la municipalité Binet décide la remise en place de la plaque rue Gauthier-Dumont à l’Arsenal. Il n’en reste plus de trace aujourd’hui et la désignation usuelle est redevenue rue de Bourgeat.
Précisons qu’à Saint-Étienne une rue porte le nom de Pierre Gauthier-Dumont.
Trois jeunes villardaires morts pour la France.
À l’automne 1947, le conseil municipal (municipalité de gauche conduite par François Binet) propose d’honorer trois jeunes Villardaires morts pour la France durant les combats de la deuxième guerre mondiale.
Il est ainsi décidé de renommer la rue de Curnieu en rue André Rougé (résistant FFI du groupe Ange, tombé au combat de Saint-Michel sur Rhône en aout 1944, âgé de 19 ans), la place du Bois Monzil en place Jean Fargier (soldat au 151è RI, mort pour la France lors de la traversée du Rhin en avril 1945, âgé de 20 ans) et la rue Thiers en rue Alfred Moreau (résistant FFI du groupe Ange, tombé au combat de Saint-Michel sur Rhône en aout 1944, âgé de 19 ans).
Mais ces décisions ne seront jamais appliquées par la nouvelle municipalité conduite par Georges Gillier et qui a pris ses fonctions quelques semaines après cette délibération.